L’épidémie de Covid-19 et ses conséquences devraient nous faire réfléchir, mais l’Homo consumericus, va-t-il être capable de mettre en doute sa société consumériste?
Un peu d’histoire d’abord
Le mot Homo est le nom du genre biologique qui regroupe toutes les espèces humaines, nous sommes donc tous des Homo sapiens, seule espèce toujours existante. Les 2 principales caractérisations de l’homo sapiens sont la bipédie et le volume encéphalique important.
Nous sommes donc des Homo sapiens, que l’on traduit par « l’homme qui sait », n’en déplaise à Jean Gabin. Mais si l’anthropologie date l’apparition des premiers hommes dans le sens large il y a 2.8 millions d’années et considère que l’évolution l’aura amené en 2 millions d’années à homo sapiens, la sociologie aura, en 200 ans, analysée notre comportement en de multiples classifications, comme l’a démontré Michel Foucault.
Nous avons été définis comme l’Homo faber, l’homme qui fabrique, il manie l’outil et transforme son environnement, le façonne de sa pensée et de sa main. Ou l’Homo œconomicus, qui est capable de maximiser sa satisfaction en utilisant au mieux ses ressources, il analyse et anticipe la situation et les événements du monde qui l’entoure afin de prendre les décisions permettant cette efficacité. Ou encore l’Homo festivus, qui ne pense qu’à se divertir. Autant de sociologues, autant de théories…
Mais nous n’allons pas y ici évoquer plus avant l’arbre sociologique évolutif de l’homme pour nous intéresser à ce qui l’amené vers le consommateur acharné qu’il est maintenant.
Définition de l’Homo consumericus
Communément on considère que l’Homo consumericus est un être humain pour lequel la consommation joue un rôle central.
Le monde est donné comme moyen, réserve, « fonds que l’on soumet » selon Martin Heidegger. L’homme est sa propre fin, le « reste » n’est qu’un moyen, un outil utile pour atteindre l’objectif, dont l’individualité du bénéficiaire est prévalent à l’intérêt de la communauté ou de l’environnement.
L’origine est clairement issue du consumérisme. Jean De Munck le définit ainsi » On désigne par « consumérisme » un mode de vie, des normes et standards de désir légitime de la vie réussie… Il s’agit d’un mode de consommation individualiste, dépendant du marché, quantitativement insatiable, envahissant, hédoniste, axé sur la nouveauté, faisant usage des signes autant que des choses » On est bien loin des notions de consommation pure des objets ou services. Cela devient un mode de vie.
Mais pour quel bénéfice ?
La société de consommation définit l’acte d’achat comme son principe de fonctionnement mais aussi sa finalité. La consommation est une norme sociétale, preuve d’une bonne réussite sociale. Cet acte doit satisfaire les besoins primaires et essentiels mais aussi d’accumuler les biens aux fins d’utilisation mais aussi de démonstration ostentatoire.
La société de consommation met sur un piédestal la possession. Symbole de la réussite sociale, ce matérialisme est l’expression de notre désir, entretenu par la vie en société, la compétition permanente, la sollicitation prépondérante de la publicité, ces plaisirs matériels sont devenus les expressions de notre désir, engendrant notre bonheur par leur jouissance.
Ce bonheur, expression de la satisfaction de nos aspirations et désirs est lui aussi en évolution. Les philosophes grecs le définissaient comme durable en opposition au plaisir lui, qualifié de fugace. L’avènement des religions le lie avec le service de Dieu ou la prière, il est devenu béatitude. Le Moyen-âge voit réapparaitre la notion de plaisir dans le bonheur sans totalement occulter le bonheur contemplatif. Avec la renaissance se développe le commerce international, la banque, la découverte de nouveaux territoires,… L’emprise des religions s’estompe, les idées voyagent, disponibles par l’imprimerie, elles se démocratisent aussi, le capitalisme apparaît et se développe, le bonheur évolue vers la possession.
Ce bonheur que la consommation nous promet n’est-il pas un fétichisme matérialiste, comme le définissait Karl Marx ? La consommation qui passe par la destruction immédiate ou progressive des éléments consommés s’oppose à la production qui elle, est productrice de richesse. Finalement, ce bonheur est juste un plaisir fugace, alimenté par notre désir perpétuel et insatiable.
Des solutions ?
Il apparaît, à la lumière de la crise sanitaire actuelle, que le modèle économique est inadapté comme réponse. Le capitalisme, si cher à l’Homo consumericus, a atteint ses limites et il faut lui substituer un autre concept.
La croissance économique, moteur de l’économie de marché, exprimé par le sacro-saint PIB repose sur l’industrialisation à outrance tout en cristallisant les richesses. Elle impose des mécanismes comme la production intensive et la recherche exclusive de profit. Les effets sont visibles dans plusieurs domaines comme le travail avec le chômage, la précarité, les facteurs de stress, mais aussi la santé avec une forte pollution.
La décroissance est une option mise en avant dans les années 70. Elle repose sur 2 pivots: l’économie et l’écologie.
Sur le plan économique la décroissance prône de s’interroger sur le sens et la place du travail dans la société, la pertinence de l’utilisation du PIB comme indice de référence, l’équilibre entre les pays industrialisés et les autres et l’introduction de la notion de développement durable dans les réflexions économiques.
Sur le plan écologique, le constat est simple: épuisement à court terme des ressources énergétiques selon notre rythme actuel de consommation, raréfaction des ressources minières et augmentation de leur coût d’extraction, dégradation de l’environnement et l’évolution de nos modes alimentaires qui ne mène qu’à l’obésité dans les pays développés et la malnutrition dans les autres.
Aux vues de ces constations, le minimum est la prise de conscience pour nous tous qu’un nouveau paradigme est nécessaire, il peut être évolutif avec une première phase qui placerait les secteurs clés de l’économie, de la santé et certains moyens de production sous contrôle démocratique faisant fi de tout productivisme outrancier et afin de s’assurer qu’ils répondent aux besoins de la population, dans un second temps il serait nécessaire de réfléchir à revenir à une consommation raisonnée et raisonnable, des modes de production respectueux de l’homme et de l’environnement, des approvisionnements et productions privilégiant les circuits courts,…
Conclusion
Interrogé par Reporterre, le climatologue Philippe Ciais dit: « Les émissions de polluants sont intimement liées à l’activité économique. Si la croissance s’arrête subitement comme en ce moment, on baisse directement les émissions. C’est logique. L’épisode du coronavirus nous apporte une preuve élémentaire face aux climatosceptiques et tous ceux qui croient encore qu’il n’existe pas de corrélation entre les activités humaines et le taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. » (Article complet)
Mais dans le même temps, Faith Birol, dans le Guardian s’inquiète des « conséquences de la récession sur les investissements écologiques. La crise pourrait compromettre la transition vers des énergies propres. » (Article complet)
Ne nous laissons pas entrainer de nouveau dans une spirale qui ne nous mènera qu’à la même situation dans peu de temps avec une nouvelle crise qui sera écologique, économique ou sanitaire. Prenons notre destin en main et agissons.
Devenons un nouvel élément de la classification avec l’Homo reciprocans, définit en sociologie comme un être qui fonde sa vie sur l’échange et le bien commun.
Pour espérer, on ne peut que citer Mathieu Ricard, dans son livre « Plaidoyer pour l’altruisme » : « Les Homo reciprocans sont motivés par le désir de coopérer et le bien de la communauté ».
Dominique MALDANT, co-fondateur des Compagnons de ThotHestia.