La santé mentale, grande cause nationale pour 2025

Image de l'interview de Michel Barnier lors de l'annonce

Alors que le nom de la ministre de la santé n’était pas encore imprimé sur ses cartes de visite, le premier ministre, Michel Barnier, annonçait : la santé mentale, grande cause nationale pour 2025.

Deux questions pointent immédiatement à notre esprit : pourquoi la santé mentale ? Et quel est l’effet d’être grande cause nationale ?

Bilan sur la santé publique à l’orée de 2025

La santé mentale, grande cause nationale en 2025 peut paraître un choix étonnant aux vues de l’état de notre service public de santé en général.

En 2022, le système de santé français est marqué par une pénurie de médecins, des déserts médicaux et un manque de lits d’hôpitaux. Depuis 2000, sur les 485.000 lits hospitaliers existants plus de 100.000 lits ont été fermés dont 80% dans le secteur public et pour les restants 20% d’entre eux demeurent fermés faute de personnel. . Selon un rapport du Sénat de mars 2022, 11% des Français n’ont pas de médecin traitant et 30% de la population vit dans un désert médical. Le nombre de médecins généralistes a diminué de 11% depuis 2010 et leur répartition est de plus en plus inégalitaire sur le territoire. A noter par ailleurs que la proportion de personnes déclarant renoncer pour des raisons financières à des soins médicaux est ainsi passée de 23% en 2010 à 30% en 2023.
En 1990, les syndicats des médecins libéraux estimaient le nombre de praticiens trop important et souhaitait, à travers le numérus clausus, une baisse significative qu’ils ont obtenue. Mais à l’inverse, alors que le besoin se fait sentir urgemment, l’augmentation du numerus apertus demandé par le gouvernement en 2020 pour une augmentation de 20% d’étudiant en 2ème année d’ici … 2025, s’avère presque impossible à mettre en œuvre faute d’infrastructures d’accueil et d’enseignants !!!
Bref, l’état clinique de notre service de santé national est proche du coma. Mais quand est-il pour la spécialité qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui la santé mentale?

Pourquoi le choix de la santé mentale, grande cause nationale pour 2025 ?

La santé mentale, grande cause pour 2025 est une belle annonce mais de quelle situation partons-nous à ce jour? Aux vues des différentes crises, sanitaire, économique, géopolitique, environnementale,… qui s’amoncellent la prévalence des troubles anxieux explose dans la population. Emmanuel Macron avait promis d’organiser un Conseil national de la refondation sur la santé mentale cet été. Mais ces discussions, très attendues dans un secteur en crise comme celui de la psychiatrie, ont été annulées à cause de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Faisons un point sur la situation de la santé mentale des français.

Une personne sur cinq, soit 13 millions de français présente des troubles psychiques, dont 3 millions de cas considérés comme sévères. La prévalence de cette maladie a fortement augmenté chez les 18-24 ans, passant de 11,7% en 2017 à 20,8% en 2021. Les troubles d’anxiété ne font qu’aggraver une situation déjà lourde. Avec  9 000 décès dans l’hexagone en 2021, le taux de suicide est à 13 cas pour 100.000 habitants, bien au-dessus de la moyenne de l’Union européenne avec 10 cas pour 100.000 habitants, 2ème cause de mortalité chez les jeunes adultes. Ce chiffre, pourtant en amélioration, est aggravé par le chiffre, plus inquiétant, de l’augmentation des tentatives de suicide chez les filles et jeunes femmes de 10 à 24 ans, qui subit une progression de 71% en 2021/2022 par rapport à la décennie précédente,  les chiffres chez les garçons étant stables. Pour appuyer ce triste constat, la consommation de médicaments psychotropes se répand chez les plus jeunes. Entre 2014 et 2021, la consommation d’antidépresseurs a augmenté de 62% chez les enfants, et celle d’hypnotiques et sédatifs de 155%, d’après un rapport du  Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) de mars 2023. Près d’un enfant sur 20 serait concerné. Seul point positif de cet affligeant tableau, la France n’est plus la championne européenne de prise d’antidépresseurs.

Image d’illustration représentant la douleur des malades

Quel est l’état du secteur psychiatrique ?

Le secteur de la santé mentale représente à lui seul 23,3 milliards d’euros, soit près de 14 % des dépenses totales de la santé. Comme pour l’ensemble de la santé publique, le manque de personnels médicaux et paramédicaux, des professionnels à bout de souffle, le manque de moyens, le manque de lits, les délais de prise en charge trop longs provoquant des ruptures de soins… la crise s’intensifie au fil des années .En psychiatrie, il nous faut souligner la relation humaine, le lien thérapeutique et l’accompagnement comme indispensable auprès de patients souffrant de pathologies sévères. Et pourtant, si un tiers des postes sont vacants toutes spécialités confondues, pour les postes de psychiatres, ce chiffre grimpe à la moitié, alors qu’il n’était que d’un quart il y a dix ans, d’après le Syndicat national des praticiens hospitaliers. Plus grave, le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34 % entre 2010 et 2022, souligne un rapport de la Cour des comptes de 2023. Une baisse qui complique fortement l’accès aux soins psychiques pour les enfants, alors que la demande ne cesse d’augmenter.

Carte représentant la densité des pédopsychiatre par département

Pour les malades comme pour leurs proches, à la maladie s’ajoutent trop souvent des situations d’errance diagnostique, de retard d’accès aux soins, de traitements non adaptés et d’exclusions sociale et professionnelle qui ne font que compliquer la situation.

La santé mentale, grande cause nationale en 2025, quels effets ?

« Le label Grande cause serait un formidable levier de transformation avec la conduite de larges campagnes d’information et de sensibilisation et la mobilisation conjointe des pouvoirs publics et des forces vives du pays » indiquait le premier ministre Michel Barnier.

Définition d’une Grande cause nationale

Il s’agit d’un label officiel attribué par concours public, chaque année depuis 1977, par le Premier ministre à un organisme à but non lucratif ou un collectif d’associations. Cet agrément leur permet, tout au long de l’année, d’organiser des campagnes de générosité publique et de diffuser gratuitement des messages sur les sociétés publiques de télévision et de radio. Les médias, les entreprises et les institutions publiques pourront jouer un rôle crucial dans cette masse de communication.
Par exemple, en 2024, année olympique et paralympique, le sport était logiquement à l’honneur. L’autisme l’avait été en 2013 et le handicap en 2003 et 1995.

L’enjeu de l’attribution du label Grande cause nationale

Mieux comprendre la santé mentale et apprendre à identifier les facteurs de risque dès le plus jeune âge, faire progresser la prévention et le repérage précoce mais aussi faire évoluer les représentations sur les troubles psychiques afin de désacraliser; de révoquer une diabolisation de la maladie mentale, encore par trop existante dans les esprits à ce jour. En résumé: informer, prévenir, déstigmatiser, déconstruire les idées reçues et promouvoir une vision plus inclusive de la santé mentale
Mais quid des efforts nécessaires pour répondre à la situation d’urgence qui se présente. Initiée en 2018, une « Feuille de route santé mentale » avait posé les bases d’une réflexion, installer le sujet dans le débat public et lancer quelques premières mesures. Très attendu, un Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la santé mentale était prévu cet été mais il avait été annulé après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron. Sera-t-il reconduit ? Affaire à suivre…

Des objectifs concrets à cibler

La sensibilisation de la population : Un vaste plan de communication doit être déployé pour éduquer le grand public sur la santé mentale, en informant sur les signes précurseurs des troubles, les ressources disponibles et les démarches à suivre pour obtenir de l’aide. Ce volet devra viser également à déstigmatiser les troubles psychiques et à combattre les préjugés qui entourent ceux qui en souffrent.
L’amélioration de l’accès aux soins : l’un des axes centraux de cette initiative devra faciliter l’accès à des soins psychologiques adaptés, augmenter le nombre de professionnels formés en psychiatrie et en psychologie, tout en assurant un remboursement accru des consultations par la Sécurité sociale, y compris pour des thérapies alternatives comme la psychothérapie ou la sophrologie.
Le renforcement du dépistage précoce : Des campagnes de dépistage devront être mises en place dès le plus jeune âge, dans les écoles, les universités et les entreprises, afin d’identifier plus rapidement les personnes à risque et leur proposer des solutions adaptées avant que les troubles ne deviennent trop sévères.
L’accompagnement des proches : Souvent négligés, les proches des personnes atteintes de troubles mentaux jouent un rôle clé dans leur rétablissement. Des structures d’accompagnement et de soutien devront être créées pour offrir des conseils et des solutions à ceux qui se retrouvent dans la position d’aidants.
L’intégration de la santé mentale au travail : Un autre axe fondamental concerne le bien-être au travail. Des mesures devront prises pour encourager les entreprises à adopter des politiques de prévention et de gestion des risques psychosociaux, ainsi que pour favoriser un climat de travail sain et propice à l’épanouissement psychologique, passant par des formations pour appréhender correctement cette problématique..

Conclusion

En mettant la santé mentale au cœur des priorités de 2025, la France envoie un message fort : Il est temps de considérer la santé mentale avec la même importance que la santé physique. Cette démarche, ambitieuse et nécessaire, a pour objectif de créer une société plus bienveillante, où chaque individu, quel que soit son état psychologique, puisse bénéficier du soutien dont il a besoin.
La route est longue, mais les enjeux sont vitaux. Grâce à une mobilisation nationale, la santé mentale pourrait enfin être considérée pour ce qu’elle est : un pilier fondamental du bien-être et de l’équilibre social. Cette grande cause est une opportunité pour refonder notre rapport à la souffrance psychologique et pour bâtir un avenir où la santé mentale est pleinement intégrée à nos priorités collectives.

Image d’un cerveau et d’un stéthoscope représentant le lien du soignant avec le malade

Les annonces se succèdent, promettant monts et merveilles, « Feuille de route de la santé mentale« , « Conseil national de la refondation santé mentale » et maintenant « Santé mentale grande cause nationale » mais sur le terrain, le personnel de santé essaie de répondre au mieux à la souffrance des patients et ce, malgré des effectifs insuffisants, un manque d’accessibilité à des formations adaptées et de moins en moins d’infrastructures, pour la plupart en déliquescence…
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la définition d’un trouble mental se caractérise par une altération majeure, sur le plan clinique, de l’état cognitif, de la régulation des émotions ou du comportement d’un individu. Il s’accompagne généralement d’un sentiment de détresse ou de déficiences fonctionnelles dans des domaines importants, les maladies mentales évoluant au fil du temps, ne seraient elles pas le reflet d’une société elle-même malade ? L’avenir nous le dira…
Que la Santé mentale; grande cause nationale 2025 soit en tout cas une avancée réelle pour les patients et les soignants !!!